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Je me souviens… Florence-Agathe Dubé-Moreau

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Chroniqueuse, commissaire indépendante en art contemporain et compagne d’un joueur de football américain, la Montréalaise Florence-Agathe Dubé-Moreau est l’auteure de Hors jeu : un regard féministe sur l’industrie du sport professionnel aux États-Unis (éditions Remue-ménages.

Je me souviens que, à l’ère pré-Covid dans la National Football League des États-Unis, les familles étaient invitées à la fin des parties à descendre des estrades pour rejoindre leurs êtres chers sur le terrain. J’y retrouvais mes amies et précieuses alliées, les autres Wags (Wives and Girlfriends) de la NFL, et mon amoureux, un joueur des Chiefs de Kansas City.

Je me souviens des enfants qui, enfin libérés de leurs sièges, s’élançaient sur le gazon parfait du Arrowhead Stadium, courant aussi vite que leurs petites jambes le leur permettaient. « C’est leur moment préféré de la journée », me confie une maman tout sourire. Je n’en doute pas une seconde.

Je me souviens de me sentir minuscule, plantée au milieu de la zone des buts, lorsque je lève la tête vers les écrans géants et les énormes projecteurs au-dessus des parois incurvées des gradins. Je ne peux même pas imaginer l’effet d’immensité qu’éprouvent ces enfants dont plusieurs connaissent les coulisses du stade depuis plus longtemps que moi. C’est leur terrain. Leur tour d’y jouer.

Je me souviens de l’équipe de football ad hoc qui se forme alors parmi les familles. De tailles et d’âges différents, ses membres s’organisent : d’un côté, une offensive qui tente de marquer un touché, de l’autre, une défensive qui tente de l’en empêcher. Tout ce beau monde se lance le ballon en courant, culbutant et riant d’un bout à l’autre d’une aire de jeu infinie. Les règles semblent approximatives, mais leur plaisir et leur détermination à être les plus rapides ou les plus habiles sont indéniables.

Je me souviens d’observer, émerveillée, cette équipe improvisée où une petite fille déguisée en cheerleader fait une passe à un ami vêtu en footballeur, et où ensuite les deux bondissent ensemble vers la ligne des buts. À l’instant où la cheerleader et le footballeur marquent un touché, rien ne vient perturber leur célébration. Et pourtant, la scène étonne.

Non seulement une cheerleader et un footballeur n’inscriront jamais de points ensemble, mais, contrairement au garçon, cette fillette ne pourra jamais jouer pour vrai sur ce terrain.

Les petites filles ne deviennent pas footballeuses dans la NFL.

Je me souviens du sentiment d’injustice vif qui monte en moi, me rappelant avec la puissance d’un raz-de-marée l’omniprésence masculine dans le sport professionnel. Cet après-midi-là, je rêve d’un sport qui célèbrerait l’égalité des genres. Me souviendrais-je un jour de l’avènement d’un terrain de jeu véritablement commun ?


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