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Qu’attendre des Jeux ?

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Au-delà de la grande fête populaire espérée, l’héritage tant vanté des Jeux olympiques et paralympiques se mesurera à leur impact sur l’activité physique et sportive des Français. Un objectif partagé par l’Ufolep.

 

« Jours heureux » : c’est le titre de l’ouvrage1 où l’historien Jean Garrigues raconte seize journées d’émotions collectives où les Français eurent le sentiment de faire nation. La première date est celle de la fête de la Fédération qui, le 14 juillet 1790 au Champ de mars, donna « l’illusion fragile d’une France rassemblée autour de son Assemblée et de son roi » ; la dernière est celle du 12 juillet 1998, quand le pays communia sur les Champs-Élysées avec le onze black-blanc-beur vainqueur de la Coupe du monde de football. Et qu’en sera-t-il du 26 juillet au 8 août prochains, durant les Jeux olympiques d’été de Paris 2024 ? Y aura-t-il matière à ajouter un nouveau chapitre ?

 

Attente ou désintérêt ? Débarquée le 8 mai à Marseille du pont du Belem en provenance de Grèce, la flamme olympique aura joué son rôle fédérateur et suscité l’attente, avec un réel succès public tout au long de son parcours2.

Mais si l’on aura beaucoup entendu parler des Jeux olympiques de Paris 2024 avant même qu’ils débutent, les objets de critique et les sujets d’inquiétude n’ont pas manqué : éloignement de réfugiés et sans-abris de la capitale, logements étudiants temporairement réquisitionnés, craintes d’une congestion des transports parisiens, menace sécuritaire accrue et contexte géopolitique caractérisé par l’ombre portée de la guerre à Gaza et en Ukraine.

 

Opposants inaudibles. Les opposants aux Jeux olympiques ont toutefois été très peu audibles. Comme à chaque rendez-vous olympique, le courant critique du sport incarné par Jean-Marie Brohm a publié un numéro à charge de la revue Quel Sport ?3 sans que son écho dépasse son cénacle. Sur le terrain, les groupes militants ont également peiné à populariser leur message. Ils étaient néanmoins un millier à défiler à Marseille à l’arrivée de la flamme pour dénoncer des « JO de riches » dont il n’y a « pas de quoi être fier », pointant à la fois la logique capitaliste de l’évènement, ses méfaits en termes de gentrification urbaine et de « policiarisation » de l’espace public, l’exploitation des travailleurs sans-papier sur les chantiers, le coût écologique des épreuves de surf en Polynésie, et en réclamant l’exclusion d’Israël. Les 21 et 22 mai en Seine-Saint-Denis, le collectif Saccage 2024 a aussi mobilisé quelques dizaines de personnes contre l’impact écologique et social des Jeux au plan local, de la disparition des jardins ouvriers d’Aubervilliers à l’effet nocif d’un nouvel échangeur autoroutier sur les poumons des enfants du groupe scolaire Pleyel-Anatole-France de Saint-Denis. Mais, quelle que soit leur pertinence, ces protestations sont restées isolées.

 

Argumentaire rodé. Le comité d’organisation (Cojop) de Paris 2024 et les pouvoirs publics ont donc pu dérouler sans guère de contradiction un discours bien rodé. La plaquette diffusée en mars par le ministère des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques vantait ainsi « des Jeux qui transforment le territoire et le cadre de vie » (en particulier en Seine-Saint-Denis), « contribuent à une société plus inclusive » (avec un accès amélioré des personnes en situation de handicap aux transports et aux « parasports »), « bâtissent une nation sportive » et « démontrent le savoir-faire français pour des évènements sportifs durables ». Les organisateurs et leurs partenaires ont toutefois dû revenir sur certaines promesses ou ambitions, comme le principe de gratuité des transports en commun pour les détenteurs de billets le jour de la compétition. Au contraire, les tarifs augmenteront sur l’ensemble de la période. Par ailleurs, la plupart des nouvelles lignes ou prolongements du métro et du RER mis en avant lors de la candidature n’ont pu être achevés dans les délais.

Fédérations multisports engagées. Si les fédérations multisports affinitaires, à commencer par l’Ufolep, ont souvent émis des réserves à l’égard d’un évènement que certains considèrent comme un « barnum » déconnecté des activités physiques de terrain, elles ont apporté leur soutien à Paris 2024, parfois en pesant le pour et le contre comme la FSGT4 dans le numéro de mai de son mensuel Sport & Plein Air : sans méconnaître les craintes et critiques formulées par les opposants aux Jeux, cette fédération très implantée en Seine-Saint-Denis fait le pari de l’héritage en termes d’infrastructures pour ce département sous-doté au regard de la densité de sa population. L’Ufolep se situe sur la même ligne, avec des attentes similaires en matière de développement de la pratique sportive et une ambition de cohésion sociale qui s’incarne aussi dans son rôle moteur dans le dispositif « Le sport au cœur des villages » développé avec le ministère des Sports en appui de la Grande Cause nationale 2024.

Objectif licences. Le temps viendra ensuite à l’automne de dresser un premier bilan des Jeux olympiques et des Jeux paralympiques qui leur succèderont du 28 août au 8 septembre. La prise de licences sera le premier élément de mesure. Anticipant sur les vocations suscitées par les exploits des athlètes, notamment français, le ministère a demandé aux fédérations de présenter dès début juin un plan d’action afin de pouvoir accueillir toutes celles et ceux qui, on l’espère, se bousculeront au portillon des associations sportives.

 

Emotions sportives. Entre temps, il y a aura eu l’évènement que, sans être des compétiteurs de haute volée, beaucoup de pratiquants Ufolep attendent, et qui le moment venu retiendra aussi l’attention de beaucoup de ceux qui auront affiché jusqu’alors leur désintérêt. Car comment ne pas être curieux de voir à quoi ressemblera cette cérémonie d’ouverture fluviale ? Et ces épreuves de BMX, breaking, skateboard et basket 3x3 accueillies place de la Concorde ? Et ce marathon final qui ira de l’hôtel de Ville au château de Versailles avec arrivée sur l’esplanade des Invalides, et dont le parcours accueillera la veille les foulées de purs amateurs ? Par ailleurs, près de 4 000 places ont été distribuées par l’Ufolep au sein de son réseau, tant aux bénévoles des associations sur le quota accordé à la fédération qu’à des personnes en précarité grâce à la « billetterie populaire » mise en place par Paris 2024. 

Et puis, comme le rappelait il y a vingt ans dans nos colonnes l’écrivain et ex-grand reporter à l’Équipe Christian Montaignac5, sitôt les Jeux ouverts la magie opère : celle des émotions intenses vécues par les athlètes, et aussitôt partagées par le public, dans le stade ou derrière un écran de télévision. « Moi qui suis les Jeux depuis 1972, j’y retrouve à chaque fois la fébrilité, l’angoisse, l’impatience d’une première fois. L’éclat du sport est dans l’instant, et cet éclat brille au Jeux », notait le journaliste en prenant en exemple des « moments rares » vécus à Athènes 2004 par la nageuse Laure Manaudou ou la gymnaste Émilie Le Pennec, médaille d’or surprise aux barres asymétriques.

Dans Jours heureux, Jean Garrigues parle pour sa part de « l’allégresse festive d’une exaltation du présent » en évoquant « les moments de liesse et d’unité » inventoriés par ses soins, et caractérisés selon lui par « l’espérance d’un avenir meilleur ». Sans aller jusque-là, au-delà des injonctions et slogans, ce serait déjà bien si les Jeux contribuaient à la fois à « faire société » et à installer davantage dans le quotidien des Français la pratique physique et sportive. Philippe Brenot

 

(1) Jours heureux, quand les Français rêvaient ensemble, Payot Histoire, 2023, 254 pages, 21 €. « Les Jours heureux » était également l’intitulé du programme adopté le 15 mars 1944 par le Conseil national de la Résistance.

(2) Même si l’intérêt des Français pour les Jeux aurait reculé de 8 points de janvier à avril, à 51 % (enquête Toluna Interactive réalisée en avril dans huit pays, dont 1084 personnes en France). Interrogés sur leur intention d’aller voir passer la flamme d’ici au 26 juillet, trois quarts des Français interrogés ont répondu par la négative. Cela laissait malgré tout beaucoup de spectateurs potentiels...

(3) Fédération sportive et gymnique du travail.

(4) « Jeux de Paris 2024 sous le joug olympique », n° 39-40, mai 2024, 298 p., 22 €. En retour à la question « Qu’attendez-vous des Jeux ? », l’animateur de la revue Fabien Ollier nous a par ailleurs adressé ce message péremptoire : « Contrairement à En Jeu qui s’illusionne sur les JO de Paris et distille l’idéologie olympique à tout va, Quel Sport ? a mené une campagne contre les JO 2024 depuis avril 2015. (…) Il est donc absolument hors de question que je réponde à votre question débile destinée aux microcéphales de l’Ufolep. Votre "pluralisme" est une mascarade qui ne prend au piège que les demeurés des stades. »

(5) En Jeu n°382, octobre 2004.


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