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Vaincre à Rome

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« Lire comme on court, d’une seule traite en ménageant son souffle » : c’est le pari de ce roman dont le projet remonte à près de quinze ans, et fut ébauché lors d’une résidence de Sylvain Coher à la Villa Médicis de Rome. Abebe Bikila lui était apparu peu avant dans un documentaire télé de fin de soirée : images vibrantes d’un homme frêle à la peau noire, courant pieds nus dans la nuit romaine, éclairé des torches le guidant vers la victoire, dans le marathon des Jeux olympiques 1960.

Un triomphe à l’antique, et une pluie de symboles : les pieds nus de l’ancien berger devenu militaire, la première médaille d’or d’un athlète africain décrochée à la barbe des champions occidentaux, et la revanche d’un Éthiopien au pied de l’arc de Constantin, symbole des ambitions coloniales d’un Benito Mussolini qui, vingt-quatre ans plus tôt y faisait défiler ses troupes avant de les lancer à la conquête du royaume du Négus Haïlé Sélassié.

Tenir la distance, c’est bien de cela qu’il s’agit, et Sylvain Coher y réussit : 42,195 km contés en 150 pages, sans jamais que la tension retombe. Même si, licence littéraire oblige, les pensées prêtées à Abebe Bikila sont avant tout les siennes. L’auteur clôt son récit avec deux courts épilogues empruntés à d’autres voix : la retranscription de l’échange entre l’envoyé spécial de Radio Inter et les studios parisiens à l’arrivée de la course, et deux pages que Jean Giono, spectateur de ces Jeux de Rome, consacra à un exploit dont le héros était un humble pâtre.

Sylvain Coher ne dit pas que, quatre ans plus tard à Tokyo, Abebe Bikila, dûment chaussé cette fois par un manufacturier japonais, remportera une nouvelle médaille d’or, avant de laisser la victoire à un compatriote en 1968 à Mexico, puis d’être victime d’un accident de la route qui le laissa en chaise roulante et hâta sa fin, en 1973, à l’âge de 41 ans. Car Vaincre à Rome n’est pas une biographie, juste le récit haletant d’une course qui s’achève à l’instant où le champion coupe la ligne. Ph.B

 

Vaincre à Rome, de Sylvain Coher, Actes Sud, 176 pages, 18,50 €.


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