Installée à Château-Chinon (Nièvre), l’association Morvan Oxygène réunit plus de 300 licenciés jeunes et adultes autour du sport nature et de la multi-activité. Une parfaite illustration du projet d’école multisport nature de l’Ufolep.
Thierry Martin, quel était initialement le projet sportif de l’association Morvan Oxygène, que vous présidez depuis sa création en 2009 ?
Morvan Oxygène n’est pas né de rien mais a remplacé l’Athletic Club du Morvan, créé six ans plus tôt, et dont l’appellation vieillotte ne correspondait pas à notre pratique de course hors stade (cross, route et trail). Nous nous sommes alors inspirés du nom et du mode de développement de l’association Creuse Oxygène, sur un territoire caractérisé comme le nôtre par une très faible densité de population et l’éparpillement des structures. Morvan Oxygène est basé à Château-Chinon (sous-préfecture de la Nièvre et ancien fief électoral de François Mitterrand) mais rayonne sur tout le Morvan, territoire divisé administrativement entre quatre départements mais à la forte identité, ainsi que sur le Nivernais.
Au départ, vous étiez tournés vers la compétition…
Pour nous faire connaître, nous avons en effet cherché à constituer un pôle de coureurs performants. Ce fut une réussite sur le plan de la communication mais une erreur en termes de développement, car cette démarche pseudo-élitiste a pu détourner des pratiquants potentiels. Nous avons vite gommé cela et, de 30 licenciés, nous sommes passés aujourd’hui à plus de 300, grâce notamment au prix très abordable de la licence Ufolep. Notre projet a évolué vers la poly-activité, avec la création successive, à partir de 2014, de sections escalade, marche nordique, randonnée pédestre, VTT, et bientôt kayak. L’étape suivante, c’est que nos licenciés deviennent polyvalents : un projet multisport que le temps libre du confinement nous a permis de formaliser noir sur blanc.
Comment accueille-t-on autant de nouvelles sections en si peu d’années ?
Nous avons ouvert la section escalade car de nouveaux membres, qui étaient grimpeurs, ont pris en main l’activité. La démarche s’est ensuite répétée pour les autres disciplines. Cela a été rendu possible par le fait de partager la même approche de pratiques ouvertes à tous, tournées vers la découverte du milieu naturel et l’apprentissage de l’éco-citoyenneté, et non pas seulement vers la compétition. C’est pourquoi nous avons fait le choix d’une école de VTT Ufolep : on n’y roule pas le nez de guidon, comme je l’ai vécu moi-même plus jeune, mais on apprend à rouler en groupe, on découvre tous les aspects de la discipline, et on s’initie au secourisme : une approche ludique et variée à laquelle les jeunes adhèrent complètement. Et, chez les adultes aussi, l’esprit reste loisir. Pour reprendre l’exemple du VTT, ça roule un peu pendant nos sorties, mais ce qui prime c’est le plaisir de le faire ensemble.
Dans quelle mesure l’ouverture aux enfants, en 2012, a-t-elle été un tournant ?
Nous souhaitions à la fois assurer le renouvellement de nos licenciés et transmettre notre passion, et les valeurs au sport associatif. Aujourd’hui, nous accueillons les enfants à partir de 5 ans, tandis que les moins de 18 ans représentent près de la moitié de nos licenciés, grâce à nos écoles de trail-running, de VTT et d’escalade. Et c’est aussi à travers eux que nous progressons dans la complémentarité des savoir-faire, en intégrant des pratiques ludiques comme la sarbacane, la slackline ou le monocycle VTT.
Vous possédez aussi désormais une base nature…
Longtemps, nous disposions seulement de garages où ranger le matériel. Les rendez-vous étaient donnés au gymnase pour l’escalade, et au stade pour les autres pratiques. Puis, il y a trois ans, la municipalité nous a proposé d’investir l’ancien camping municipal. Nous avons remis en état les bâtiments afin d’y accueillir les enfants au sec, installé des toilettes sèches, ouvert une salle hors sac pour les itinérants et randonneurs de passage, et créé une piste de trial VTT et des circuits de trail. Nous disposons aussi de salles de réunion. Nous avons également travaillé avec la communauté de communes pour baliser des circuits de trail et de randonnée au départ de la base, en plus de ceux de VTT déjà existants. Dans le même esprit, nous travaillons avec le lycée professionnel agricole voisin pour réaliser des circuits permanents de course d’orientation.
Les collectivités territoriales vous appuient ?
Oui. Elles s’appuient sur l’image de dynamisme véhiculée par nos manifestations pour développer conjointement les sports nature et le tourisme. Et puis, jamais une association sportive n’a réuni 300 adhérents sur notre secteur. Outre le soutien de la mairie et de la communauté de communes, le conseil départemental a également pris conscience du travail de fond mené sur un territoire classé zone de revitalisation rurale (ZRR). Nos événementiels bénéficient également du soutien du conseil régional et nous collaborons étroitement avec le parc naturel régional du Morvan.
Possédez-vous des salariés ?
Aucun : nos 20 encadrants sont des bénévoles qui se sont formés au sein de différentes fédérations.
Justement, Morvan Oxygène est affiliée à la fois à l’Ufolep et aux fédérations d’athlétisme, de randonnée et de montagne-escalade : c’est compliqué, la multi-affiliation ?
Sur 300 licenciés, environ 220 le sont à l’Ufolep. Les autres le sont à la FFA, à la FFRando ou à la FFME, sachant que certains possèdent la double licence. Cela complique un peu les choses d’un point de vue administratif, mais ouvre le champ des possibles pour celui ou celle qui veut faire de la compétition à un plus haut niveau.
Quels sont les freins à une pratique véritablement multisport ?
Dans les régions de montagne, les gens sont souvent à la fois vététistes, randonneurs, skieurs et grimpeurs. Ici, la multi-activité va moins de soi. Mais si les adultes choisissent de se spécialiser dans un sport, c’est souvent parce que leur éducation a été ainsi faite. C’est pourquoi le modèle des écoles de sport nature de l’Ufolep, dont nous nous inspirons, peut faire évoluer les habitudes et les mentalités. Pour prendre l’exemple du Trail des enfants d’octobre – s’il est maintenu – nous conserverons la course avec classement, car ils veulent s’étalonner par rapport aux autres, mais nous proposerons aussi de la slackline, du monocycle VTT, de la sarbacane, de l’escalade, ainsi qu’une « côte infernale » à VTT, ou bien encore une zone de trial.
Craignez-vous que la persistance des risques de contamination au Covid-19 entravent votre dynamique ?
Le confinement a été un coup d’arrêt, avec l’annulation de tous les stages sportifs prévus avec les jeunes pendant les vacances de printemps. Nous avons essayé de garder le lien avec nos jeunes autour de défis, en VTT notamment, puis repris nos activités courant juin, chez les adultes comme les enfants. Sauf en escalade, où le protocole sanitaire était vraiment trop contraignant, avec l’exigence de désinfection des cordes et des prises du mur artificiel. C’était très important de se retrouver avant la fin de la saison, en particulier pour les plus jeunes.
Quelles dispositions avez-vous prises ?
Pour les écoles de VTT et de trail-running, nous avons divisé les groupes et mis en place un système d’inscription sur internet en fonction du nombre d’encadrants disponibles. Mais en VTT, s’il est relativement facile de garder ses distances quand on roule, dès qu’on s’arrête les enfants ont naturellement tendance à se rapprocher les uns des autres… Alors on les a fait plutôt travailler la maniabilité et l’apprentissage du monocycle. L’Ufolep de la Nièvre a également mis en place un challenge « Deux roues libre » où chacun entre lui-même ses performances : cela a motivé les jeunes vététistes !
Craignez-vous qu’à la rentrée certains parents retirent leurs enfants du club ? Le VTT, ça peut se pratiquer seul…
Mais ce que veulent les enfants, c’est pratiquer ensemble, et retrouver les espaces ludiques aménagés de notre base ! Je n’observe pas de peur parmi les parents, peut-être parce que le virus a peu circulé dans notre région : c’est au moins l’avantage d’avoir une très faible densité de population ! Ensuite, même si nos pratiques sont collectives, nos sports sont individuels : nous ne sommes pas confrontés aux mêmes problèmes que les sports d’équipe. Et puis, si pour l’école de trail il faut fractionner les groupes, pourquoi ne pas solliciter la collaboration des parents ? D’un malheur peuvent parfois émerger des solutions novatrices…