Derrière la fascination pour la maîtrise parfaite d’un coup du tennis, Jean Palliano s’efforce de percer le mystère d’un joueur précoce qui n’aura jamais complètement éclos.
À bientôt 33 ans, Richard Gasquet va doucement vers une fin de carrière que les promesses de ses jeunes années, quand il tenait la dragée haute à Raphaël Nadal et à son aîné Roger Federer, laissaient à penser qu’il tutoierait les sommets. Ce ne fut pas le cas.
Alors, pourquoi l’écrivain Jean Palliano s’est-il intéressé à celui qui est resté un joueur de second rang pour n’avoir jamais pu ou voulu être le champion que le tennis français attendait ? Pour la pureté de son revers et la fascination que ce geste technique parfaitement maîtrisé exerce sur lui, répond l’auteur dès les premières lignes d’un ouvrage au style travaillé, à mi-chemin entre l’essai et la biographie : « Dès qu’une sensation de bien-être me remue et m’anime et que je souhaite me dépenser et éprouver la souplesse de mes nerfs, il m’arrive de vouloir mimer, d’essayer de reproduire au plus près, le mouvement du revers de Richard Gasquet. Il s’agit d’un geste et d’une tâche auxquels chacun d’entre nous peut tenter de se livrer et dont il peut se croire capable s’il en a le souhait. Les bras qui tiennent le manche d’une hypothétique raquette que l’on fait passer, glisser près de la tête, giflant en retour l’air d’un mouvement qui descend et remonte en s’accélérant. Il y a le plaisir de tendre et de relâcher ses muscles, de se sentir devenir puissant, et même omnipotent, devant une balle qui va traverser les lignes et dépasser le flet d’un court de tennis. »
Jean Palliano retrace les péripéties d’un parcours caractérisé par les occasions manquées et une frustration qui, finalement, fut peut-être davantage celle du public que du principal intéressé. Lequel apparait ici comme un artisan pour qui le travail bien fait, le geste soigné, importe davantage que le fait de perdre ou gagner.
On a reproché à Richard Gasquet sa nonchalance, son incapacité à se transcender sur le cours. Et s’il était tout simplement né vingt ans trop tard ? N’aurait-il pas davantage brillé dans les années 1970 ou 1980, et alors pu « exprimer son talent dans un jeu moins axé sur la puissance et l’endurance » ? C’est ce qu’aime à penser Jean Palliano dans ce Revers de Richard Gasquet qui, au-delà du joueur lui-même, interroge la condition du tennisman professionnel. Ph.B.