« Du virtuel au réel », une soirée sportive avec et sans manettes

Quinze résidents en foyer de jeunes travailleurs ont participé en octobre à Saint-Brieuc à une soirée animée par le comité Ufolep des Côtes-d’Armor où la pratique de jeux vidéo s’accompagnait d’activités sportives et d’une réflexion sur les risques d’addiction.

À la résidence Waldeck, la salle de jeux est juste à côté du hall d’entrée. Manette en mains, en cette fin d’après-midi une quinzaine de garçons et filles y font leur « game ». Les uns sont sur Fifa, le fameux jeu de foot, et les autres sur Just Dance, où il s’agit de synchroniser les évolutions gymniques de son avatar sur le modèle qui s’agite à l’écran. C’est convivial, bon enfant, et ce n’est que le début de la soirée. Celle-ci va ensuite prendre un tour original, avec une discussion sur les risques d’addiction aux jeux vidéo et aux réseaux sociaux et des ateliers sportifs proposant du bumball, du tir à l’arc et du kin-ball.

Restrictions de pratique. « Cette animation est née des restrictions de pratique sportive de l’hiver et du printemps dernier, explique Gwendal Savé, délégué Ufolep des Côtes-d’Armor. Par la force des choses, Eddy, notre jeune ambassadeur Paris 2024 n’a pu déployer le dispositif UfoStreet, comme le prévoyait sa mission. En réfléchissant avec lui à un autre projet, nous avons évoqué le confinement, la sédentarité et le temps passé par les jeunes devant les écrans. Et l’idée a surgi : pourquoi ne pas prendre le prétexte des jeux vidéo pour amener à la pratique sportive les jeunes du foyer de jeunes travailleurs où il était lui-même hébergé ? »

L’association Sillage, qui gère quatre résidences de ce type à Saint-Brieuc, a dit « banco » mais souhaité que la soirée, finalement programmée le jeudi 7 octobre de 17 h 30 à 20 h 30, s’inscrive dans la dynamique de la rentrée. Et si, entre temps, Eddy Rault a achevé sa mission à l’Ufolep pour devenir animateur périscolaire en attendant de préparer un BP Jeps, il y a participé comme co-animateur bénévole.

« Pendant la discussion, comme les jeunes venaient par eux-mêmes, sans que quiconque leur force la main, ils étaient très participatifs, avec une grande liberté de parole, souligne Gwendal Savé. Ils avaient tous des avis à exprimer et se sont montrés très intéressés par les informations sur l’usage excessif des jeux vidéo et des réseaux sociaux. Plusieurs d’entre eux ont pris conscience qu’ils étaient sans doute un peu trop "accros" aux uns ou aux autres. »

Une fois tout le monde bien échauffé, la partie sportive de la soirée a enfin pu débuter. Deux ateliers étaient proposés simultanément : d’un côté, du bumball, un sport collectif « innovant » particulièrement dynamique, avec ballon et chasubles munis de bandes scratch ; de l’autre, du tir à l’arc, activité plus calme et exigeant cette fois une grande concentration au moment de lâcher ses flèches sur la cible. Comme dans un jeu vidéo, une saine compétition ajoutait du sel au plaisir de l’activité physique. En tir à l’arc, il s’agissait ainsi de totaliser en premier 50 points dans des duels par équipes de deux. Puis, pour finir la soirée, les animateurs ont fourbi un ballon de kin-ball qui a produit son petit effet. Une façon de réunir le groupe autour d’une même activité.

Celui-ci était parfaitement mixte, avec 8 filles et 7 garçons. Âgés de 18 à 23 ans, les uns sont encore en formation ou en alternance, et les autres salariés ou en recherche d’emploi, avec des habitudes sportives très diverses. Ils venaient aussi de plusieurs résidences. « Tous ont beaucoup apprécié la soirée sous ses différents aspects, avec l’envie de recommencer », se félicite Gwendal Savé.

Santé et multisport. Cette satisfaction est partagée par l’association Sillage, qui à l’issue de cette première souhaite déployer avec l’Ufolep ce concept « du virtuel au réel » sur ses antennes de Lamballe, Paimpol et Loudéac, une commune du centre-Bretagne identifiée comme zone de revitalisation rurale (ZRR). « Sillage est aussi intéressé par les animations sport santé que nous développons déjà à Saint-Brieuc, en y associant la présence d’une diététicienne pour des conseils nutrition, précise le délégué. Dans le prolongement de notre Maison sport santé société (Ufo3S) de Dinan, nous y proposons le programme "À mon rythme" et ses outils, dont le bilan sport-santé-bien-être. Nous avons d’ailleurs proposé aux jeunes de le passer eux aussi. »

Il est également question de multisport, sous la forme de créneaux hebdomadaires ou de rendez-vous mensuels pour lesquels Sillage est à la recherche de financements. Afin que, sans rien perdre de son côté ludique, la pratique sportive des jeunes pensionnaires devienne encore un peu plus réalité. Ph.B

PS3, ordinateur, smartphone, ils témoignent

« Quand je ne suis pas au travail, je suis dans ma chambre à jouer. J’ai déjà fait plus de 24 heures sur un ordinateur Pas forcément pour jouer en réseau mais PS3, ordinateur, téléphone, switch, je suis sur tout ! Je me suis mise aux jeux vidéo car je n’aimais pas ma vie et parce que je suis toute seule chez moi. Ceux qui jouent, c’est pour s’évader de la société. » (Manon, 18 ans, salariée)

« Je ne joue pas car je sais que ce n’est pas bon. Ça désociabilise, les yeux s’usent, ça rend cinglé. Ce qu’on peut faire dans les jeux vidéo, on peut le faire en vrai. » (Maëva, 22 ans, sans emploi)

« Il faut mettre des limites de temps de jeu. » (Fanny, 22 ans, salariée)

« Je peux passer 4 à 8 heures à jouer à Fifa, et il ne m’arrive jamais de passer un week-end sans jouer. » (Daouda, 20 ans, salarié)

« Je ne joue plus, ça me fait perdre du temps. En revanche, Instagram c’est compliqué à gérer pour moi. » (Cledo, 22 ans, sans emploi)

« Ce n’est pas la vraie vie. » (Natacha, 22 ans, en formation)

« Ça fait du bien ce genre de soirée. » (Daniella, 21 ans, salariée)