Mise à disposition d’équipements ou de personnels, subventions, aides diverses… Villes et intercommunalités sont les premiers partenaires des associations sportives. Avec certaines exigences.
« Que ce soit au niveau d’un gouvernement ou d’une municipalité, le sport n’est pas assez considéré par rapport à tout ce qu’il peut apporter. » Le 12 mars dernier, à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), cette petite phrase de Roxana Maracineanu, ministre des Sports, a fait sourire l’assistance des Journées d’étude de l’Association nationale des directeurs et intervenants d’installations et des services des sports (Andiiss). Et pour cause : le sport représente environ 0,2% du budget de l’Etat. Une goutte d’eau…
Et dans les collectivités ? « En proportion, c’est infiniment plus élevé, souligne Michel Koebel, professeur de sociologie à l’université de Strasbourg. Entre 5 et 10 % de leur budget annuel y est consacré, ce qui représente 8,5 à 10 milliards d’euros de dépenses sportives, pour les seules communes et communautés. Soit les deux tiers de l’investissement public dans ce domaine. » Pour la construction ou la rénovation d’équipements, le soutien aux associations, l’organisation d’évènements, etc.
Maire de Lavelanet (Ariège) et président de l’Association nationale des élus en charge du sport (Andes), Marc Sanchez va plus loin : « Sans l’appui des collectivités, pas d’équipements, pas de sport, pas de sportifs. Sans clubs, sans éducateurs, pas de sport, non plus. » Directrice technique nationale adjointe de l’Ufolep, Isabelle Chusseau confirme : « Les collectivités sont un partenaire majeur, à travers le soutien aux associations bien sûr, mais aussi par rapport aux interventions de nos animateurs au sein de centres communaux d’action sociale (CCAS), d’Ehpad ou d’écoles municipales de sport. »
Objectifs et moyens
Quelle que soit leur étiquette politique, les élus locaux apportent un soutien fort à la pratique sportive. « Le sport se situe au-dessus des clivages partisans. D’ailleurs, les programmes électoraux sont bien souvent similaires », observe Stéphane Kroemer, adjoint au maire de Luxeuil-les-Bains (Haute-Saône).
« Une politique sportive publique est élaborée en fonction des objectifs de la collectivité, des attentes des bénéficiaires et bien sûr des moyens alloués », complète toutefois Patrick Bayeux, consultant en politiques sportives. Ce qui signifie que chacun peut jouer sa partition.
À Gravelines (Nord) par exemple, le maire Bertrand Ringot, ancien champion d’aviron, a installé une véritable culture de l’évènementiel. « Nous organisons une compétition chaque week-end », se félicite-t-il. Pour ce faire, il encourage notamment les dirigeants associatifs à s’impliquer au niveau des comités, des ligues ou des fédérations. « Non seulement, ils montent en compétence et se forment sur différents aspects, mais en plus ils ramènent des évènements. Ils sont également davantage au courant des différentes aides financières. » Tout le monde y gagne : les dirigeants, leur club et la ville bien sûr, qui met en avant le sport, étendard de son attractivité.
La politique sportive est également dépendante de l’environnement géographique, humain et social. Selon Stéphane Kroemer, également président de la commission Sport, Ruralité et Montagne à l’Andes, « les ruraux subissent la carence et le vieillissement des équipements. Les habitants disposent d’une offre plus réduite qu’en milieu urbain ou péri-urbain ».
Même constat dans les communes abritant des quartiers prioritaires de la ville (QPV), où le taux d’équipement y est très inférieur à la moyenne nationale : jusqu’à 40 % pour les piscines… Cela a un impact direct sur la pratique en club : seulement 3,8 % des licences délivrées, alors que le poids de ces quartiers dans la population générale est deux fois plus important. Ce qui fait dire à Gilles Leproust, maire d’Allonnes (Sarthe), secrétaire général de l’Association des maires de France Ville & Banlieue (AMFVB) : « Sur le terrain, la responsabilité sociale des clubs s’accentue à mesure que nos quartiers se paupérisent. »
Impulsion intercommunale
Ces cinq à dix dernières années, la façon d’appréhender le sport au sein des collectivités a évolué, en raison notamment de l’émergence de l’intercommunalité, dans un contexte où la compétence sport est partagée entre « l’État, les collectivités territoriales, le mouvement sportif et les acteurs sociaux et économiques » (art. L. 100-2 du code du sport). Mais ce partage de compétences existe aussi entre chaque niveau de collectivités qui se répartissent les missions de construction et de gestion des équipements, lesquels sont la propriété des communes et intercommunalités dans 8 cas sur 10. Cela vaut aussi pour l’animation et la promotion d’activités physiques, domaine qui intègre ans l’aide aux associations et les évènementiels.
La place prise par l’intercommunalité se caractérise par des politiques sportives envisagées à l’échelle d’un bassin de vie élargi et se traduit parfois par le souhait des élus d’avoir affaire à des associations plus grosses, plus structurées, plus omnisports également.
Autre évolution majeure identifiée par Marco Sentein, président de l’Andiiss : « Le basculement du dispositif fédéral vers davantage de santé et de loisirs dans les politiques sportives municipales. » Le sport-santé est même « une vague », s’enflamme Didier Ellart, médecin et adjoint au maire de Marcq-en-Barœul (Nord) : « Face une population sédentaire en demande, nous devons sensibiliser les associations afin qu’elles proposent une telle offre ». Et le praticien de rappeler que « la pratique régulière d’une activité physique permet de diminuer de 30 % le risque de maladie cardiovasculaire et de 50 % la survenue d’un diabète de type 2 ».
En la matière, l’Ufolep fait partie des convaincues de longue date : « Dans une soixantaine de départements, nous avons ouvert ou allons ouvrir une Maison Sport Santé Société (M3S), portée par un comité ou une association », souligne Isabelle Chusseau.
Un virage à prendre
Autre enjeu : répondre aux attentes des 16 à 18 millions de pratiquants dit « libres », « auto-organisés » ou « autonomes ». Selon Philippe Thourel, responsable du service des sports de Bègles (Gironde), « les collectivités et leurs associations ont un rôle à jouer pour attirer une partie de ces sportifs, dans un contexte de concurrence accrue avec le secteur privé ». Même son de cloche chez son homologue de Muret (Haute-Garonne), Marco Sentein : « Les associations sont mises au défi de revoir leur offre de pratique, et je dirais même leurs prestations, car c’est ce que les gens attendent. Il faut se réinventer. »
« Le multisport peut permettre d’aller chercher ce public » estime pour sa part Isabelle Chusseau, sans sous-estimer toutefois « la question des modalités d’accueil ». La DTN adjointe de l’Ufolep pense également aux « communautés de sportifs qui se rassemblent autour d’applications numériques et via les réseaux sociaux. Nous percevons déjà certaines de ces transformations dans notre réseau ».
Critères de subvention
Pour impulser une nouvelle dynamique, le principal levier pour une collectivité reste la subvention. Nombre de licenciés, d’encadrants, résultats sportifs… Mais si les critères traditionnels sont toujours présents, les villes ont désormais des attentes plus larges. À Cluses (Haute-Savoie), le maire, Jean-Philippe Mas, a instauré une « subvention dynamique ». Autrement dit, « une partie de l’enveloppe est conditionnée à l’organisation de compétitions, à la formation des éducateurs et des jeunes et à la participation du club à des manifestations organisées par la commune ». À Bayeux (Calvados), l’orientation porte sur le sport pour tous « dans un but de créer un maillage entre le tissu associatif et les actions de la ville », souligne Martin Burger, le directeur des sports. S’y ajoute même une incitation à créer des sections spécifiques pour le sport adapté.
Les subventions sont également décisives pour structurer les associations. « Dès lors qu’elles passent le cap de 100 ou 150 licenciés, je les incite à embaucher un encadrant technique par une aide sur 3 ans », appuie Stéphane Kroemer à Luxeuil-les-Bains où, comme c’est le cas partout, la signature d’une convention devient obligatoire dès lors que le montant de la subvention annuelle dépasse 23 000 €.
Ces conventions « cadre » ou « de partenariat » mentionnent à la fois les objectifs assignés par la collectivité à l’association (encadrement d’activités, développement d’actions type sport-santé ou autre) et les moyens mis à disposition : aide financière, matérielle, ou en personnel. « En contrepartie, nous attendons des associations une bonne gestion de ces deniers publics », prend soin de glisser Yvon Léziart, adjoint à la mairie de Rennes (Ille-et-Vilaine).
Diversifier les ressources
De nombreux élus et territoriaux incitent enfin le secteur associatif à diversifier ses sources de revenus, « la tendance des collectivités étant, au mieux, de maintenir les aides financières », selon Marco Sentein, président de l’Andiiss. Cette diversification peut passer par la sollicitation d’entreprises ou fondations, mais surtout par l’organisation d’évènements ou la réalisation de prestations.
En juillet 2019, le Conseil économique, social et environnemental (Cése) préconisait ainsi la création de Sociétés coopératives d’intérêt collectif (Scic), pour aider les clubs à « enrichir leur offre par des prestations marchandes ». Un nouveau modèle à mi-chemin entre le statut associatif et la structure commerciale que l’Ufolep encourage. Le début d’une nouvelle ère ? Plus sûrement la marque supplémentaire d’une évolution des façons de consommer le sport. Aux villes et aux clubs d’y répondre. David Picot